Extrait Biographie 3

(...) En s’installant en Savoie, Hélène et Roland se sont tous deux retrouvés projetés dans le monde rural. Ils ne connaissent rien de celui-ci. Ni ses valeurs, ni ses codes, ni ses coutumes. Une nouvelle société, où, dira Roland, « la réalité est beaucoup plus brutale ». L’enfant conservera l’image d’un monde rural « incroyable de choses sauvages et de moutons et d’agneaux roses. » [1]
Un monde sans mode d’emploi que Roland va donc s’ingénier à découvrir et apprivoiser au jour le jour, avec une fascination mêlée de dégoût, une espèce de terreur curieuse.
Ce qui stupéfie l’enfant, c’est la familiarité des paysans avec la mort. Pour Roland, c’est un étonnement sans cesse renouvelé que les mille et un petits faits quotidiens alimentent chaque jour.
Il y a la chatte qui a mit bas dans la grange et dont on se débarrasse tranquillement des petits, le serpent caché dans les blés qui peut surgir et mordre à tout instant, la femme décédée brutalement d’une crise cardiaque dans le pré d’à côté, sans oublier le tueur de cochon qui « enfonce une lame longue et fine dans le cou de la bête qui pousse des cris aussi exaspérants qu’inutiles »[2].
Tout est nouveau, effrayant, dégoûtant, captivant.
Et que dire des repas ! Il regarde, ahuri, les paysans déguster le fromage où grouillent parfois des asticots. Le gamin refuse de toucher au boudin fabriqué avec le sang du porc mais il se force à manger du lard, le matin, au petit déjeuner, parce que le sel, au moins, « constitue une garantie contre les vers »[3].
Vie, mort, danger, plaisir, dégoût, tout se mélange, se rejoint, se confond.