Signé Topor ?

Jean Louis Jacopin, présent sur les planches, signe aussi la mise en scène. Curieusement, les bonnes surprises surgissent à des indroits insoupçonnés.
Ainsi, il fallait une certaine audace pour ressusciter Max Lampin, le personnage défouloir de Roland Topor. Eh bien cela fonctionne formidablement! Et Jacopin, impressionnant de présence et de verbe, arrive à nous faire admettre sa haine pour ce personnage minable et sans espoir. Il parvient aussi à nous faire basculer dans une fantaisie froide et ravageuse quand il évoque "L'amour à voix haute", où un couple s'échange des questions et autres impressions décalées après une partie de baise. Le pari n'était pas gagné car "L'amour à voix haute" fait partie de ces ouvrages de Roland qui , disons-le, ne sont pas vraiment indispensables à qui veut aborder la planète Topor. La rencontre Godard/ Durras, sur scène, fait elle aussi des étincelles. Une poignée de chansons habille ces moments précieux.Tous se démènent pour mettre les rieurs dans leurs poches.
Et c'est là où, parfois, nous décrochons.
L'aspect foutraque du spectacle est un parti pris qui se veut être un hommage à Roland, lequel, sa vie durant, a pourtant souffert de cette réputation de dilletante et "touche à tout". Il manque peut être un fil conducteur à ce spectacle, une boussole, un plan d'accès. Dommage car pour se convaincre de l'extrême rigueur de cet artiste réputé "inclassable" (pourquoi doit-on toujours classer les artistes ?) il suffit d'ouvrir un recueil de nouvelles ou de feuilleter un catalogue de ses oeuvres picturales, on y trouve toujours une formidable cohérence, un même instinct de surprendre que le temps n'a jamais émoussé.
Et c'est cet aspect décousu, amateur et bon enfant qui génère içi un certain malaise parmi ceux qui se flattent de bien connaître son oeuvre.
Le talent des interprêtes n'est pas en cause.
Eloïse Wagner est épatante de justesse, de drôlerie et l'on peut parier sans grand risque sur la carrière de la demoiselle tant elle semble maîtriser pleinement son art. Bravo aussi à la fille Ribes, parfaite en petite garce affolante aux yeux de biche. Nous ne parlerons pas de Reinhardt Wagner, qui est un ami, et dont le talent irrigue généreusement cet hommage -ovni sur la scène parisienne...